Introduction aux Troisièmes Rencontres de l’USID, « Toxicomanie et pratique de réseau », Douai, 24/09/1998
Pour introduire ces Troisièmes Rencontres, relatives aux Pratiques de Réseau, je vous propose une définition, la définition d’un réseau telle que l’on peut la trouver dans un dictionnaire. Réseau : ensemble de lignes, de canalisations, de voies de communication reliées entre elles. Un ensemble, c’est un groupement d’éléments possédant une certaine unité, une caractéristique commune.
Un réseau d’intervention en toxicomanie consiste donc en un groupement de professionnels concernés par la toxicomanie, reliés entre eux par des voies de communication. Ce qui pourrait se dire : lieu de parole concernant la toxicomanie.
C’est un dénommé BARNES qui introduit en 1954 le concept de réseau dans le champ des sciences sociales. Il s’agissait alors pour lui de rendre compte de l’observation de liens entre les habitants d’une petite île norvégienne. Des liens qu’il repérait comme étant différents à la fois des relations de travail et des relations de voisinage.
Par le terme de réseau, BARNES décrit un ensemble de liens spécifiques à chaque habitant de l’île, et intermédiaire entre les liens professionnels et les liens familiaux.
D’emblée donc s’imposent deux caractéristiques majeures d’un réseau :
– il s’agit de liens spécifiques, éminemment subjectifs,
– il s’agit de liens en position tierce, par rapport au statut professionnel, à l’organisation sociale d’une part, à la lignée générationnelle, à l’inscription dans une histoire familiale, d’autre part.
Cette définition princeps de BARNES met en exergue la place de la subjectivité : le réseau s’articule autour d’une personne, autour du toxicomane, ainsi que la notion de 3ème dimension, qui dépasse les liens ordinaires familiaux et professionnels.
Les sociologues, notamment italiens, qui travaillent sur la notion de réseau, parlent maintenant de 3ème secteur, 3ème par rapport à l’état et au marché, 3ème par rapport à l’organisation sociale et à l’histoire familiale. Nous pourrions ajouter : 3ème par rapport au système de soins et aux dispositifs de prévention.
D’une certaine façon, avec les pratiques de réseau, nous introduisons la 3ème dimension, la 3D comme on dit des cartes graphiques pour les ordinateurs, nous entrons dans le 3ème millénaire !
Le réseau conçu comme montage à 3 dimensions, s’apparente au nouage à 3 que nous a enseignés Jacques LACAN : Réel, Symbolique et Imaginaire.
Le Réel en ce qui nous concerne ici, c’est le toxique, le toxique avec ses effets tant biologiques, que psychiques, relationnels, sociaux…
L’Imaginaire, c’est l’illusion de la solution chimique, qu’elle soit clandestine ou médicale ; c’est aussi le leurre de la relation duelle, dans laquelle chacun des protagonistes se réduirait à sa fonction, à son rôle ou son symptôme.
Le Symbolique lui, intervient en position tierce, de par sa fonction signifiante, en tant que lieu de circulation de la parole. Un lieu de parole auquel chacun, intervenants comme toxicomanes, se trouve référé.
Nous y reconnaissons le réseau, qui apparaît comme mobilisation du champ symbolique, comme réponse élaborée par un ensemble, à un symptôme qui ne se limite pas au biologique ou au psychique ; mais un symptôme que nous avons aussi identifié l’an dernier comme symptôme social.
C’est pourquoi il semble qu’il existe bien une spécificité du travail en réseau dans le champ des toxicomanies, et c’est ce qui fait l’objet de cette journée de travail.