Théorie freudienne du transfert

Après la surprise du transfert d’Anna O. sur Breuer, s’être mépris du transfert de Dora et avoir été sous l’emprise du transfert de l’homme aux rats ; Freud consacre quelques articles théoriques sur cette question fondamentale.

La notion de transfert était pourtant déjà présente dans L’interprétation des rêves paru en 1900, sous la forme de pensées de transfert, soit le déplacement de désirs inconscients qui s’expriment dans le rêve à l’aide de restes diurnes déguisés. Freud parle alors de transferts au pluriel, pour rendre compte de ces représentations de désirs rendus méconnaissables par les opérations de condensation et de déplacement.

En 1909, Sandor Ferenczi (Transfert et introjection), à propos du transfert, note que le patient fait jouer à l’analyste le rôle des images parentales.

Freud tente une première synthèse de la notion de transfert en janvier 1912 dans l’article Sur la dynamique du transfert.

Tout d’abord, Freud rappelle que le transfert se produit inévitablement au cours d’une cure analytique, pour la bonne raison que celle-ci concerne des personnes névrosées, insatisfaites, dont le besoin d’amour ne peut que s’adresser vers toute personne bienveillante.

En cela, le transfert est susceptible de se manifester dans toute situation d’aide, notamment médicale. Mais, en psychanalyse, il présente des aspects particuliers :

  • Il s’étaye sur les imagos qui ont marquées l’histoire du sujet, donc principalement familiales, parentales, qui sont actualisées de par l’investigation analytique elle-même ;
  • Il dépasse la mesure que la bienséance de la relation thérapeutique exigerait, car débridé par la règle de la libre association ;
  • Il s’origine des pensées et désirs inconscients qui ont été réprimés et refoulés, car incompatibles avec le principe de réalité qui régit la vie sociale.

Mais, la particularité la plus remarquable du transfert en psychanalyse, c’est son rôle de résistance, la plus forte résistance au travail, alors même qu’ailleurs il doit être considéré comme l’agent de l’action curative et de la réussite, ce qui se passe par exemple dans l’hypnose ou dans la prescription médicamenteuse.

Freud évoque 2 sources de la résistance de transfert, la régression de la libido et la libido soumise à l’inconscient.

Chez le névrosé, la libido consciente, tournée vers la réalité, est réduite, alors même que la libido inconsciente prolifère et alimente la vie fantasmatique : la libido s’est engagée dans la voie de la régression et a réactivé les imaginations infantiles. Or, le travail analytique consiste justement à démasquer ces désirs inconscients : aussi, chaque fois que l’investigation analytique découvre une des cachettes de la libido, un conflit surgit, toutes les forces qui ont provoqué la régression se muent en résistance.

Là où la résistance se fait le plus sentir, l’association qui vient apparaît comme un compromis entre la résistance et le travail d’investigation : l’expérience montre que c’est ici que surgit le transfert. L’idée de transfert est parvenue de préférence à toutes les autres associations possibles à se glisser jusqu’au conscient, c’est justement parce qu’elle satisfait la résistance.

Enfin, pour que le transfert, qu’il soit positif, négatif ou ambivalent, fasse résistance, il faut qu’il soit d’une grande intensité.

Freud conclut : rien n’est plus difficile en analyse que de vaincre les résistances, mais n’oublions pas que ce sont justement ces phénomènes là qui nous rendent le service le plus précieux, en nous permettant de mettre en lumière les émois amoureux secrets et oubliés des patients et en confèrent à ces émois un caractère d’actualité.

Autre texte important, Remémoration, répétition et élaboration, qui date de 1914. Freud y introduit la notion de l’automatisme de répétition : sur le modèle des traumatisés de guerre qui répètent inlassablement le traumatisme originaire dans leurs cauchemars ; le patient traduit en acte le refoulé.

Ce n’est pas sous forme de savoir que le fait oublié reparaît, mais sous forme d’action. Le malade répète évidemment cet acte sans savoir qu’il s’agit d’une répétition.

 Ainsi, le transfert n’est lui-même qu’un fragment de répétition, et la répétition est le transfert d’un passé oublié. Si bien que tout symptôme prend une signification transférentielle nouvelle, et s’installe une névrose de transfert qui remplace la névrose ordinaire originelle : Le transfert crée de la sorte un domaine intermédiaire entre la maladie et la vie réelle (…) L’état nouvellement instauré a pris tous les aspects d’une maladie artificielle partout accessible à nos interventions.

L’observation sur l’amour de transfert date de 1915, à ce propos Freud écrit à Abraham : C’est la meilleure et la plus utilisable des contributions, je m’attends donc à ce qu’elle soit la plus violemment critiquée.

Freud rappelle le rôle de résistance du transfert, qui surgit au moment où l’analysant s’apprête à aborder des éléments particulièrement pénibles et profondément refoulés de sa vie.

Freud a toujours préconisé la neutralité de l’analyste, favorisé par le dispositif du divan qui le soustrait au regard de l’analysant. Et il recommande son abstinence contre toute tentation libidinale qui pourrait émaner de son patient. Il raconte à ce propos une amusante anecdote relative à un prêtre et à un agent d’assurances, qui illustre ce qui pourrait arriver si l’analyste répondait favorablement aux sollicitations :  Cet agent d’assurances, un mécréant, est gravement malade, sa famille obtient de lui qu’il fasse venir un saint homme, capable de le convertir avant qu’il ne meure. L’entretien entre ce prêtre et le mourant dure très longtemps et tous ceux qui attendent hors de la chambre sont pleins d’espoir. Enfin la porte s’ouvre. Le mécréant ne s’est pas converti, mais le prêtre a contracté une assurance.

L’amour de transfert est-il un véritable amour ?

Assurément, répond Freud, comme tout état amoureux, il s’origine du passé refoulé et des prototypes infantiles.

Néanmoins, l’amour de transfert n’est pas créé par l’analyse mais provoqué par elle, il est intensifié par la résistance et il apparaît plus déraisonnable.

Lacan fera retour sur la théorie freudienne du transfert lors de son premier séminaire public de 1954, consacré aux Écrits techniques de Freud.

Le 21 janvier 54, il situe le contre-transfert comme le fonction de l’égo de l’analyste, la somme des préjugé de l’analyste.

Le 3 février, Lacan aborde La dynamique du transfert : Quand le patient se tait, il y a toutes les chances que ce tarissement de son discours soit dû à quelque pensée qui se rapporte à l’analyste. Soit, des remarques dur le mobilier, le décor, l’accueil ce jour-là, etc. : Je réalise, dit-il, soudain, à ce moment, le fait de votre présence. Lacan insiste sur la fonction de ce sentiment de la présence, présence physique s’entend, de l’analyste dans l’élaboration du transfert.

Le 17 mars, Lacan distingue les dimensions imaginaire et symbolique du transfert.

Dans son essence, le transfert efficace dont il s’agit, c’est tout simplement l’acte de parole. Chaque fois qu’un homme parle à un autre d’une façon authentique et pleine, il y a, au sens propre, transfert, transfert symbolique – il se passe quelque chose qui change la nature des deux êtres en présence.

Le transfert, tel que conçu par Freud, notamment dans l’Observation sur l’amour de transfert, est un transfert dans sa dimension essentiellement imaginaire, un effet miroir en quelque sorte. C’est un amour imaginaire, l’analyste se confondant avec l’idéal du moi du sujet dans une relation narcissique : Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre ce qui est fait pour vous donner l’image de votre désir.

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