jean-louis rinaldini / Et si on relisait « Psychanalyse des foules et analyse du Moi » ?

Source : Groupe Niçois de Psychanalyse Lacanienne

Disons-le d’emblée : il est de la violence sociale. Il est de l’exclusion. Et les idéologues de la pureté ethnique occupent à nouveau le haut du pavé… L’hostilité est de tous les temps.

Et    pourtant    « hostile » comme « hospitalité », le pouvoir d’être hôte, vient de hostem qui veut dire étrange : l’hôte accueille l’étranger parce qu’il est maître symboliquement, donc il se dispense d’affirmer sa maîtrise, de la faire sentir puisqu’elle est inscrite dans les lieux, dans le rapport aux lieux. Il n’a pas peur de la perdre, il n’a pas peur de l’étranger, il n’est pas xénophobe. Être hospitalier ce n’est donc pas faire les simagrées d’une réception. Ça se place sous le signe d’un certain amour de la rencontre. Alors que dans le trait raciste, ce dont il est question c’est de l’envie de la trique du père, ou du rêve d’une mère qui n’accueillerait que ses petits.

Mais de quelle prétention pouvons-nous nous prévaloir pour parler de clinique sociale ? La psychanalyse n’est-elle pas avant tout destinée à connaître et à secourir les destins particuliers des sujets en souffrance plutôt que de s’intéresser à ce qui pourrait être une psychopathologie de la vie sociale fut-elle quotidienne.

C’est une évidence : durant des décennies, et malgré les écrits de Freud le domaine du politique dans le microcosme analytique a relevé de l’indicible sinon de l’impensé.

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Témoignage de Moustapha Safouan – recueilli en octobre 2019 par G. Pommier et Gricelda Sarmiento

G. Pommier : Moustapha Safouan, vous êtes le témoin et un des acteurs de l’épopée de la psychanalyse en France. Elle n’a véritablement pris son essor qu’après la deuxième guerre mondiale, alors que les praticiens n’étaient qu’une poignée. C’est à partir de quelques personnes, de leur style et de leurs divergences que l’aventure a commencé. Nous vous rencontrons aujourd’hui, vous qui avez plus de cent ans, pour recueillir le témoignage de cette singularité de votre expérience. Vous avez connu Jacques Lacan avant les années 1950, pouvez-vous nous dire un mot de votre première rencontre avec lui ? Comment cela s’est-il passé ?
MS : J’ai fait mon analyse entre le mois de janvier 46 et la fin de l’année scolaire de 1949 en juin chez Schlumberger. Au cours de cette année-là, je venais de refaire un doctorat de philosophie à la Sorbonne. Pendant cette analyse, j’allais souvent aux réunions de La Société de Psychanalyse de Paris. C’est là que j’ai entendu parler Lacan. Il tenait un langage qui paraissait incompréhensible à la plupart des auditeurs, et qui était de toute évidence incompris de Nacht, par exemple : il lui demandait assez souvent « Mais que voulez-vous dire par là ? » Il attendait de Lacan une réponse, sans pouvoir bien formuler lui-même le sens de sa question. Alors, moi par contre, j’ai été tout de suite séduit par Lacan, parce qu’il utilisait un vocabulaire qui m’était plus parlant que le glossaire purement psychosomatien, ou médical, qui était la norme. Il parlait du sujet.
GP : Est-ce que Schlumberger, qui était votre analyste, était présent à ces réunions ?

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Gérard Pommier / Éros est rouge et noir. Surtout pas de rose, s’il vous plaît !

Texte paru dans la Newsletter de la FEP de Juillet Août 2022.
Illustration : représentation de Cronos dévorant ses enfants. Pietro della Vecchia.
Entre 1626 et 1678.

L’érotisme humain ne ressemble en rien à celui des animaux : le nôtre est bestial. Rebelle aux lois de la biologie, il se rit des gènes, des hormones, du cycle menstruel, il n’a cure de la fécondité, etc. Il n’obéit qu’à une loi et une seule, celle du noir désir, qui veut du sang bien rouge. Mais… ? Qu’est-ce que le désir ? Le désir n’a pas d’objet : la vision d’un pied, de beaux cheveux, de seins bien arrondis (sans oublier les fesses) ne suffit guère pour l’exciter : les formes attrayantes déclenchent les pulsions, et les voir de loin pourrait suffire, comme quand on visite un musée. C’est beau, mais ça ne va pas beaucoup plus loin…

Le désir ? C’est bien autre chose ! Il répète un traumatisme passé, mais à l’envers. Il rejoue un moment traumatique, mais en retournant le scénario pour se donner le beau rôle. Par exemple, un petit garçon qui aimait jouer avec des allumettes deviendra plus tard pompier ; ou encore une petite fille séduite va se métamorphoser plus tard en redoutable séductrice ; un petit enfant gémissant voudra devenir un bon papa plus tard ; voilà un dernier exemple, un enfant élevé sous sa mère deviendra psychanalyste quand il sera grand, pour la soigner, s’il en est encore temps. Le désir vole donc de répétition en répétition tout du long de la vie. Il change de scénario au fur et à mesure qu’il entre dans un nouvel âge. Il ne joue pas la même comédie lorsqu’il était enfant et quand il devient père de famille, etc. En somme, le désir cherche à se séparer d’un passé lorsqu’il n’est pas passé : il retourne en arrière pour ouvrir la porte du futur. Et lorsque le futur devient présent, sa mise en scène est nouvelle. La régression va donc commander la progression. Il faudrait presque retomber en enfance pour aller le plus loin possible dans la réalisation de son désir. Aïe Aïe Aïe !

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Radiofaunie

À PROPOS DE RADIOFAUNIE

Radiofaunie est un podcast qui s’adresse à quiconque est curieux de la psychanalyse et de ses échanges fructueux avec la culture comme la pop culture.  

Radiofaunie est un espace de conversation entre ceux qui font vivre la culture et ceux qui animent la psychanalyse.  

Radiofaunie, homophonie de la Radiophonie de Lacan, a pour intention de jouer de l’équivocité comme marqueur de l’inconscient et de la parole.  

Radiofaunie vise à faire entendre plusieurs voix en suivant le fil du désir d’auteurs, chercheurs,
artistes, libraires, éditeurs, témoins, prêts à interroger la question du sujet dans la culture. 

Radiofaunie n’est ni un lieu d’enseignement, ni de promotion, et pas une séance d’analyse : c’est un rendez-vous qui parle de l’inconscient et de ses multiples expressions culturelles. 

Radiofaunie est un programme propulsé par l’Association Lacanienne Internationale. Il sera diffusé sur son site et les pages de ses réseaux sociaux. Sa visée : donner de la voix à la psychanalyse d’orientation freudienne et lacanienne, à ses travaux et à ses échos dans le champ culturel polyphonique. 

https://podcast.ausha.co/radiofaunie

« Malaise dans l’hospitalité » Jean-Jacques Tyszler

Il nous faut tristement reconnaître que la question des migrations fait basculer une partie de l’électorat vers une droite extrême et décomplexée quant au rejet de l’Étranger.
Les images à la frontière Biélorusse ou du centre de réfugiés en feu dans l’île grecque de Lesbos réveillent de manière fugace une culpabilité mais nous devons souligner cette pente à l’anesthésie affective ; les grands aliénistes utilisaient ce terme pour décrire un sujet qui n’est plus affecté par la présence de sa famille, ses proches, ses voisins.
Notre vision est comme sidérée par le chiffre des drames en mer ou dans les cols de montagne, les disparus par noyade ou épuisement.
Notre regard sait il encore considérer ?
En pleine crise sanitaire sont régulièrement remis à la rue les déboutés du droit d’asile, des familles entières souvent avec des enfants petits.
Même pour des exilés régularisés nous connaissons les délais vertigineux des rendez vous en préfecture pour les récépissés des papiers et leur renouvellement.
Les idéaux de la France comme  » Terre d’asile  » sont ils à ranger dans une période révolue de l’Histoire ?
Nous refusons cet état de fait et rappelons la mise en garde de Freud dans son texte, malheureusement si prophétique, de 1915,  » Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort  » :  » …nous trouvons légitime la mort des étrangers et des ennemis et nous les y condamnons avec autant d’empressement et aussi peu d’hésitation que l’homme des origines …Chaque jour, à chaque heure, dans nos motions inconscientes, nous écartons de notre chemin ceux qui nous gênent … »

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Jacques Sédat : communiqué du groupe de contact

Communiqué du Groupe de Contact
2 décembre 2021

Le Groupe de contact, fondé il y a une vingtaine d’années, réunit la majorité des associations de psychanalystes existant en France, dans la reconnaissance et le respect de leur diversité. Il a pour vocation d’exprimer l’apport de la psychanalyse lorsque des politiques, des règlementations et des mesures administratives menacent son existence.

Nous alertons tout un chacun – le public, les media et les politiques – sur la multiplication et l’aggravation très préoccupantes des mesures de discrimination, voire d’exclusion, visant les professionnels qui reconnaissent les acquis de la psychanalyse ou s’en réclament dans leur pratique, qu’ils soient soignants ou enseignants, dans les hôpitaux, les centres de soin, les universités, les laboratoires de recherche.

Les héritiers de Freud affirment la nécessité de leur présence dans les champs de recherche scientifique, dans les pratiques médico-sociales et dans l’espace culturel. Des mesures administratives indues ne sauraient effacer ce qui est leur contribution théorique et pratique, depuis plus d’un siècle, aussi bien dans le débat sur les origines de la souffrance psychique, que sur les moyens individuels ou institutionnels d’y remédier, dans notre culture actuelle.

C’est pourtant ce qui est en train de se réaliser très concrètement et à grands pas dans les hôpitaux, les centres de soins, les universités et les media.

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Vient de paraître : « Les Nouvelles Figures du psychologue clinicien »

LE LIVRE
ISBN : 979-10-96852-21-5
Broché, 210/135, 242 pages, imprimé en UE
Dépôt légal BnF mars 2021
Prix : 21 €
Distribué par l’Harmattan
ÉDITIONS BORROMÉES
LES AUTEURS
Élie Doumit Psychanalyste
Gauthier Carlier Psychologue clinicien
Rosa Caron Psychanalyste,
Sabrina Libbrecht Psychologue clinicienne,
Mariange Nohra Psychothérapeute et Psychanalyste.
Christian Hoffmann Psychanalyste,
Lilian Truchon Philosophe
Alexandre Durieux Psychologue clinicien
Julie Magnier Psychologue clinicienne
Wilfrid Magnier Psychanalyste
L’argumentaire
Ce recueil réunit les textes enrichis et retravaillés qui s’originent des exposés et
points de vue soutenus au cours d’une journée d’Études et de Recherches
organisée par :
l’Université de Lille,
l’Association des Psychologues Cliniciens de Lille III
l’École Psychanalytique des Hauts de France.

L’argumentaire était le suivant : « Le psychologue contemporain s’inscrit dans
un contexte qui le ramène vertigineusement à l’une de ses racines (Galton) au
détriment de ses aspirations humanistes. » Le meilleur des mondes semble à
notre portée. Si pour Leibniz, Dieu fait advenir, par la grâce, le meilleur des
mondes possibles, le monde d’aujourd’hui est celui qui veut rendre possible un
monde sans erreurs (amour, désir…) Alors, que dire de ces psychologues qui
soutiennent l’erreur, l’amour, le désir ?
L’anthropologie et l’interculturalité ne peuvent plus occuper une place marginale
dans le champ clinique du psychologue. Ils deviennent un enjeu pour penser la
souffrance, le soin, l’autre, la société et la science.
Notre but : témoigner des pratiques et modèles inventifs qui maintiennent au
plus vif le lieu d’une parole qui reste à entendre.

Vient de paraitre : Alain Airaly, Jean-Pierre Lebrun « Réinventer l’autorité. Psychanalyse et sociologie ».

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La crise de l’autorité précarise la vie collective, le rapport à autrui et la formation de la subjectivité. Inlassablement niée et récusée, quasiment incompréhensible aujourd’hui, l’autorité doit être réinventée, ex nihilo, tant elle entre en contradiction avec l’actuelle société des individus. Dans leur dialogue, les auteurs s’y exercent.

En effet, à la différence de la domination et de la coercition, l’autorité est la parole du collectif, elle est le Tiers qui conditionne tout ensemble le langage et le rapport à autrui. Comment faire autorité dans la famille, à l’école, au travail ou en politique lorsque toute position d’exception se trouve par avance récusée, contestée, sinon méprisée ? Qu’est-ce qu’une société dans laquelle plus personne n’assume la position d’exception et les normes de la vie ensemble ? Quelles en sont les conséquences sur la construction psychique de l’autonomie et de la responsabilité ?

Dans un dialogue constructif, Jean-Pierre Lebrun et Alain Eraly, appartenant à des disciplines différentes, croisent leurs approches et s’essaient à concevoir de nouvelles formes d’autorité au service du commun, plus respectueuses de nos valeurs démocratiques.

Dans la collection

Humus

A propos des auteurs

photo de Jean-Pierre LEBRUN

Jean-Pierre Lebrun est psychiatre, psychanalyste, ancien président de l’Association lacanienne internationale et de l’Association freudienne de Belgique.

photo de Alain ERALY

Alain Eraly est professeur à l’université libre de Bruxelles où il a enseigné la sociologie, la communication et la gestion publique, membre de l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique.