V/ Ce qui commence par le père finit par la masse

CA_MOI_SURMOI1/ L’agressivité instinctive de l’être humain, manifestation de la pulsion de mort dans le vivant ; constitue l’obstacle majeur au progrès de la civilisation. Comment dès lors le processus civilisationnel procède-t-il pour circonscrire la tendance à l’agression ?

L’étude du développement de l’individu, nous dit d’emblée Freud, indique que cette agressivité est introjectée, intériorisée, retournée contre le propre Moi – constituant ainsi la force du Surmoi.

En 1914, dans « Pour introduire le narcissisme », Freud décrit l’Idéal du Moi, comme « ce que l’homme projette devant lui comme son idéal, soit le substitut du narcissisme perdu de son enfance ». À la différence du Moi Idéal, issu du mirage de la captation narcissique du Moi par lui-même, l’Idéal du Moi se forge de l’extérieur, il est le représentant de l’Autre parlant auquel le Moi aspire à s’identifier.

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IV/ Le narcissisme des petites différences

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1/ Le processus civilisationnel en cours chez les êtres humains, en tant qu’ils parlent, consiste en une dynamique sociale et culturelle qui organise de façon de plus en plus élaborée les relations des hommes entre-eux.

Pour Freud, c’est la libido du sujet, seule énergie réellement malléable, qui est détournée au profit de la socialité, soit ce que Lacan traduira par l’instance du désir, celle-là même qui imprègne dans les dessous le dire du sujet : « Il n’y a d’autre malaise de la culture que le malaise du désir » (« Le désir et son interprétation », 03/06/1959).

Il n’y a pas que le sexuel, perverti par le dire, dont souffre l’être parlant, et Freud souligne qu’une communauté d’amoureux ne serait pas viable. Il suffit de penser au « Flower Power » des années 60, et de l’éphémère éclosion de la vie communautaire en Europe au début des années 70.

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III/ Au commencement était le verbe

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1. Sigmund Freud poursuit ce qu’il appelle son « étude sur le bonheur », soit la façon pour l’homme de mettre à distance les 3 sources de « la souffrance humaine » : la puissance de la nature, la caducité du corps, et les relations des hommes entre eux. Ce qui nous indique un ternaire, nature/corps/social, par lequel le sujet s’éprouve, autrement dit, un ternaire auquel le sujet ex-siste. Et parce qu’il n’est d’autre réalité que symptomatique, Lacan soulignera la joui-sens de l’être comme paradigmatique de la condition humaine. Ce ternaire freudien nature/corps/social apparaît par ailleurs comme l’ancêtre du ternaire lacanien, réel/imaginaire/symbolique, auquel il s’apparente sans pour autant s’y identifier.

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II/ En réponse à Romain Rolland

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Freud écrit Le malaise en réponse à Romain Rolland, avec lequel il a poursuivi un intense dialogue épistolaire de 1923 à 1936. Romain Rolland (1866 – 1944) a reçu le prix Nobel de littérature en 1915 pour son roman Jean Christophe qui compte pas moins que 10 volumes. Réfugié en Suisse à partir de 1914, il sera l’un des fondateurs de la Croix Rouge. Militant pacifiste et compagnon de route de la 3ème Internationale, Romain Rolland a publié en 1924 un livre sur Gandhi.

Romain Rolland a fait part à Freud de son objection aux thèses que ce dernier développe dans L’avenir d’une illusion, paru en 1927. L’écriture du Malaise deux ans plus tard constitue donc la réponse de Freud.

Dans L’avenir, Freud passe la religion au crible de l’exploration psychanalytique. Il définit tout d’abord la culture comme tout ce en quoi la vie humaine s’est élevée au dessus de ses conditions animales. Le savoir produit par l’être humain doit lui permettre de dominer la nature, de satisfaire ses besoins et de régler les relations des hommes entre eux.

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I/ Das Unbehagen in der Kultur

2018_COLBEAUX_Actualite_du_MalaiseSigmund Freud écrit la première version de ce texte en juillet 1929, alors qu’il est en villégiature comme souvent à Berchtesgaden, en Bavière, là même où, ironie de l’histoire, Adolf Hitler installera plus tard son « nid d’aigle ». Le 28 juillet 1929, il écrit à Lou Andréas Salomé : On ne peut pas fumer et jouer aux cartes toute la journée (…) Pendant ce travail, j’ai redécouvert les vérités les plus banales.

Freud est alors âgé de 73 ans, son œuvre est derrière lui, et il est diminué par son état de santé, les douleurs provoquées par son cancer de la mâchoire diagnostiqué en 1923, et par la prothèse qu’il porte après une longue série d’interventions chirurgicales. Il écrit ainsi à Ferenczi le 13 décembre 1929 : la plus grande partie de mon activité doit être consacrée au maintien de cette fraction de santé dont j’ai besoin pour poursuivre mon travail journalier. Une véritable mosaïque de mesures thérapeutiques doit être constituée pour obliger mes divers organes à agir dans ce sens.

Sur les conseils de Marie Bonaparte, sa muse française, Freud se dote en cette année 1929 d’un médecin personnel en la personne de Max Schur (1887 – 1969).  D’origine polonaise, Max Schur entreprend des études de médecine à Vienne, et il assiste à des conférences de Freud. Analysé par Ruth Mack Brunswick, analysante de Freud et seconde analyste de « l’homme aux loups », il intègre la société viennoise de psychanalyse en 1931. Max Schur suivra Freud dans son exil londonien en 1939, et il tiendra la promesse qu’il avait faite à Freud en lui administrant le 23 septembre 1939 une dose mortelle de morphine. Il rejoignit alors New York, où il exerça comme psychanalyste.

Daté de 1930, le livre paraît en décembre 1929, soit peu de temps après la « mardi noir », qui vit s’effondrer les cours de la bourse aux Etats Unis, engageant le reste du monde dans la « grande dépression » qui suivit. En septembre 1930, le parti nazi d’Adolf Hitler remporte la majorité au Reichstag, le parlement allemand. Dès 1936, les livres de Freud, parmi d’autres, font l’objet d’autodafés par les autorité allemandes. Le 12 mars 1938, c’est l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne. Freud ne partira qu’en juin 1938 pour Londres, sur l’insistance et grâce aux relations de Marie Bonaparte.

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