Troubles psychiques : « La prise en charge précoce des 15-25 ans est une urgence »

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.Le drame récent d’un adolescent agressant mortellement une professeure en pleine classe a mis de nouveau la psychiatrie sous un éclairage cru et brutal. Il ne s’agit pas de commenter ce cas singulier, ce pour quoi nous n’avons ni les éléments suffisants ni les prérogatives. Mais il nous donne l’occasion de constater les travers de la communication sur la santé mentale des jeunes (et la stigmatisation qu’ils font naître) : un diagnostic trop vite avancé sur les plateaux (« bouffée délirante aiguë »entraînant un geste « imprévisible ») et ensuite révisé, induisant une confusion entre préméditation et possibles symptômes d’alerte (certains camarades auraient remarqué un comportement inhabituel les jours précédents).

Ni fatalisme ni réponse légale ne doivent nous satisfaire : ils témoignent du fait que nous arrivons « trop tard », sans avoir pu éviter la perte d’une vie, l’anéantissement de l’avenir d’un jeune et le traumatisme d’une classe, d’un établissement scolaire entier, sans oublier la douleur des deux familles.

Ce qui n’a pas été dit, c’est que c’est entre 15 et 25 ans qu’apparaissent le plus souvent les troubles psychiatriques de l’adulte à venir, et que ces troubles sont rarement imprévisibles : dans les trois quarts des cas, il existe des signes avant-coureurs (tentative de suicide, repli, changement de comportement). Ces signaux faibles pourraient permettre de donner l’alerte. Mais la réalité du terrain est complexe : où trouver le praticien qui a à la fois la compétence et la disponibilité ? Trop souvent, en effet, les signaux d’alerte ne sont pas identifiés, ou pas pris en compte, et ce n’est que lorsqu’il y a crise, accident ou troubles massifs, que des soins sont mis en place, souvent par le biais des services d’urgence.

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Daniel Zagury : « Comment on massacre la psychiatrie française »

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Le Monde. Publié le 07 octobre 2021

Célèbre pour son apport à la clinique médico-légale, ainsi que pour son courage face aux polémiques qui ont déferlé sur lui à propos de ses expertises de grands criminels – Guy Georges, Patrice Alègre, Michel Fourniret et bien d’autres –, Daniel Zagury, psychiatre honoraire des hôpitaux et auteur de nombreux ouvrages, est aujourd’hui un homme en colère. En témoigne le titre de son dernier livre, Comment on massacre la psychiatrie française. Néanmoins, c’est avec rigueur et sans outrance qu’il décrit la situation actuelle. Article réservé à nos abonnés

Non seulement, dit-il, tout va de mal en pis depuis une vingtaine d’années – fermetures de lits ou réduction du personnel soignant, pénurie d’experts –, mais la sottise des classifications issues du fameux Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), contesté dans le monde entier, a eu pour conséquence la réapparition de pratiques d’un autre âge : contentions, maltraitance, etc. Autrement dit, c’est l’abandon de la triple approche de la folie – biologique, sociale et psychique –, au profit d’un étiquetage unique qui a conduit à une dégradation de la discipline : « On a précipité l’effondrement de la psychiatrie intégrative bio-psycho-sociale (…). Ce qui est condamnable, ce ne sont évidemment pas les neurosciences (…) mais la prétention à l’hégémonie et à l’exclusivisme de n’importe lequel des composants du champ psychiatrique. »

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« Il faut donner à la psychiatrie les moyens ambulatoires et hospitaliers qui lui ont été soustraits lors de la fermeture de 70 000 lits »

Psychiatrie : « Traitement inhumain et dégradant » au CHU de Saint-Étienne  - Le Point

Psychiatres, infirmiers, psychologues, membres du Collectif inter-hôpitaux, nous souhaitons alerter la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, sur les atteintes réitérées portées aux droits et à la dignité des patients relevant de soins psychiatriques. Depuis quelques années, les conditions d’accueil des patients se dégradent fortement et des pratiques réputées disparues reviennent : les contentions mécaniques se banalisent dans de nombreux services d’urgence des hôpitaux français. Et ce, sans aucun contrôle d’aucune instance.

Dans vos recommandations en urgence du 1er février 2018 sur le CHU de Saint-Etienne, la situation était parfaitement analysée : l’absence de lits d’aval constitue un « dysfonctionnement majeur [qui] conduit les soignants à accepter l’instauration de pratiques contraires au droit comme d’ailleurs à leur volonté première ». Les politiques de santé publique réduisant la place de l’hôpital public dans le dispositif de soins ont des conséquences : concentration des patients les plus sévères dans un même lieu, pression sur les durées moyennes de séjour, impossibilité d’hospitaliser dans un délai raisonnable les patients suivis. Lire aussi l’enquête : La très grande souffrance de la psychiatrie française

L’agitation et la peur

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