Roland Gori / Face à des pouvoirs qui vident le peuple de sa dimension politique il faut la rétablir

Publié le 22 mars 2021 sur le blog d’ Olivier Douville

Roland Gori est psychanalyste, auteur de nombreux essais traitant des rapports entre médecine et société, et critiquant certaines dérives scientistes dans les sciences médicales et humaines. Il est notamment l’un des initiateurs de l’Appel des appels, lancé afin de « résister à la destruction volontaire et systématique de tout ce qui tisse le lien social ». Il est aujourd’hui président de son association, et a publié le livre « Et si l’effondrement avait déjà eu lieu : L’étrange défaite de nos croyance » (éditions Les Liens qui Libèrent, 2020). Nous en avons profité pour lui poser quelques questions à propos du traitement politique de la crise sanitaire. (Par Galaad Wilgos -18/03/21).

Le Comptoir : Vous avez longtemps traité de la question de l’importance du rapport au patient, du dialogue et des affects mis à mal par un type de modernité asséchante et scientiste. Est-ce que ces mesures autoritaires prises pour lutter contre la covid-19 ne viennent pas justement mettre en place une biopolitique qui renforce la négation du citoyen en tant que sujet – et partant porte atteinte à la démocratie, qui est certes un ordre politique mais aussi quelque chose qui s’ancre dans les mœurs de l’individu ?

Roland Gori : Notre modernité accroit une hégémonie culturelle, celle de la rationalité instrumentale qui tend à exploiter les individus et le vivant comme un stock d’énergie à exploiter à l’infini. D’où les problèmes actuels dont on ne dit pas suffisamment quelle part est la nôtre dans l’émergence des épidémies par nos modes de vie et nos industries qui modifient notre biotope. Nous sommes prisonniers de valeurs et d’un système de pensée qui datent du début des sociétés thermo-industrielles. Ces astres morts continuent à nous éclairer et les normes qu’ils prescrivent contribuent à la catastrophe dans laquelle nous nous trouvons.

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Un courrier de Roland Gori

 

Source : L’Appel des Appels

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Chers tous,

Aujourd’hui nous avons la peste, ou plutôt le Covid-19 provoqué par le SARS-CoV-2, – à croire que même les virus se convertissent à l’informatique -, et y perdent la simplicité des mots que l’on garde en mémoire et qui fondent les mythes. Tout le monde connait « la peste ». Qui se souviendra longtemps de cette saloperie de SARS-CoV-2 ? Il faut dire que ce sont les hommes qui nomment leurs malheurs, leurs peines et leurs joies. Et ces hommes, actuellement ont une fâcheuse tendance à « barbariser » la langue en la convertissant au numérique. Ce numérique ne le diabolisons pas trop quand même. C’est grâce à lui aussi que nous vous écrivons, que nous poursuivons une partie de nos activités, et que demain, peut-être il contribuera à nous soigner, à nous dépister et à nous alerter. La langue numérique, comme toute langue, est, comme disait Esope, la pire et la meilleure des choses. Ce sont les hommes qui en décident ainsi, qui en font la meilleure ou la pire des choses. A force de numériser le monde pourrions-nous nous voir condamnés à ne nous mouvoir que dans ses sphères digitales ? Serions-nous condamnés à mourir infectés par cette petite merde monocaténaire de forme elliptique mesurant en moyenne de 60 à 140 Nm ou voués à ne vivre que comme des hikikomori japonais dans nos écrans numériques ?

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