J. LACAN : Psychanalyse et Médecine

16 février 1966, Collège de Médecine, Salpêtrière

Extraits choisis

Le médecin en prescrivant se prescrit lui-même (…) Le médecin dans son meilleur est aussi un philosophe.

Quand le malade est envoyé au médecin ou quand il l’aborde, ne dites pas qu’il en attend purement et simplement la guérison. Il met le médecin à l’épreuve de le sortir de sa condition de malade, ce qui est tout à fait différent, car ceci peut impliquer qu’il est tout à fait attaché à l’idée de la conserver. Il vient parfois nous demander de l’authentifier comme malade, dans bien d’autres cas il vient, de la façon la plus manifeste vous demander de le préserver de sa maladie, de la traiter de la façon qui lui convient à lui, celle qui lui permet de continuer d’être un malade bien installé dans sa maladie.

Un corps est quelque chose qui est fait pour jouir, jouir de soi-même.

La science est en train de déverser certains effets qui ne sont pas sans comporter quelques enjeux. Matérialisons-les sous la forme de quelques produits qui vont des tranquillisants aux hallucinogènes. Cela complique singulièrement le problème de ce qu’on a jusque-là qualifié d’une manière purement policière de toxicomanie. Pour peu qu’un jour nous soyons en possession d’un produit qui nous permette de recueillir des informations sur le monde extérieur, je vois mal comment une contention policière pourrait s’exercer.

Il y a un désir parce qu’il y a de l’inconscient, c’est-à-dire du langage qui échappe au sujet dans sa structure et ses effets, et qu’il y a toujours au niveau du langage quelque chose qui est au-delà de la conscience, et c’est là que peut se situer la fonction du désir.

Ce que j’appelle jouissance au sens où le corps s’éprouve, est toujours de l’ordre de la tension, du forçage, de la dépense, voire de l’exploit. Il y a incontestablement jouissance au niveau où commence d’apparaître la douleur.

Ce qui est inattendu, c’est que le sujet avoue lui-même sa vérité et qu’il l’avoue sans le savoir.

Si la santé devient l’objet d’une organisation mondiale, il s’agira de savoir dans quelle mesure elle est productive. Que pourra opposer le médecin aux impératifs qui le feraient l’employé de cette emprise universelle de la productivité ? Il n’y a d’autre terrain que ce rapport par lequel il est médecin, à savoir la demande du malade. C’est à l’intérieur de ce rapport ferme où se produisent tant de choses qu’est la révélation de cette dimension dans sa valeur originelle : le rapport à la jouissance du corps.

Le texte complet : http://aejcpp.free.fr/lacan/1966-02-16.htm