Le retour à Freud de Lacan

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Au temps de son amitié avec Wilhelm Fliess, Freud s’adonnait volontiers à la numérologie, qui passionnait le médecin berlinois.

Le thème du séminaire de cette année se prête volontiers à un petit exercice de numérologie. C’est à l’abord de la cinquantaine que Freud commence à rédiger des petits écrits techniques, 48 ans exactement en 1904 ; et cinquante ans plus tard lorsque Lacan les commente, il est âgé de 52 ans. Nous voici en 2006, un peu plus de 50 ans après Lacan, lorsque nous abordons, nous aussi ces textes à l’âge qu’ils avaient alors tous 2. Mais au-delà de « l’âge du capitaine », ce cycle cinquantenaire correspond également à des moments clefs de l’histoire de la psychanalyse.

En 1904, la théorie freudienne commence à connaître quelque succès, obligeant son auteur à en fixer quelques règles. En 1953, Lacan qui occupait la présidence de la Société Psychanalytique de Paris, s’en exclu à la suite de divergences quant à la pratique des cures didactiques. Aujourd’hui, depuis l’année 2004, le landernau psychanalytique français se déchire à propos de la réglementation étatique des psychothérapies… Numérologie, quand tu nous tiens…

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Identificare

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L’identification, comme vous le savez, occupe une place centrale en psychanalyse, aussi bien en ce qui concerne la pratique que la théorie psychanalytique. La cure analytique elle-même s’apparente à un processus identificatoire du sujet à lui-même. Et c’est bien ainsi qu’est née la psychanalyse, à l’encontre de la suggestion et de l’hypnose que Freud, jeune psychiatre viennois, pratiquait à l’instar de Charcot et Bernheim, dont il avait traduit les textes principaux en allemand. Les « Etudes sur l’hystérie » qu’il mène alors avec Josef Breuer à la fin des années 1880 témoigne de ce passage de la suggestion à l’association libre. Ce fut d’abord « Emmy von N » qui exigea de la laisser raconter ce qu’elle a à dire. Puis, en 1890, « Elisabeth von R. », la première analyse d’une hystérique que j’ai mené à terme dira Freud, analyse qu’il compare à la technique de défouissement d’une ville ensevelie. Avec l’invention de la psychanalyse, le « connais-toi toi-même » de la tradition socratique accédait au statut d’objet scientifique. Du mythe de la caverne à l’archéologie de la psyché, il n’y a qu’un pas.

Le terme d’identification nous vient du latin « identificare », de « idem », le même, la même chose, et il s’apparente étymologiquement à l’idée, l’idéal et l’idéologie. Le dictionnaire philosophique de Lalande nous en donne 2 sens. Un sens transitif, l’action d’identifier, c’est à dire de reconnaître comme identique. Et un sens réfléchi, l’acte de s’identifier, par lequel un individu devient identique à un autre, ou par lequel 2 êtres deviennent identiques, en pensée ou en fait, totalement ou partiellement. Dans son dictionnaire de la psychanalyse, Laplanche précise que ce deuxième sens, l’action de s’identifier, se distingue en 2 : l’identification hétéropathique et centripète, dans laquelle c’est le sujet qui identifie sa personne propre à un autre ; et l’identification idiopathique et centrifuge où, à l’inverse, c’est le sujet qui identifie l’autre à sa propre personne. Les dictionnaires nous introduisent donc à une notion complexe, polymorphe, polysémique, d’emblée ternaire, qui met en jeu la constitution du sujet et ses rapports à l’autre ; et qui suggère un certain rapport à l’idéal.

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Inhibition, Symptôme et Angoisse

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En 1926, avec « I.S.A. », Freud opère donc un retournement dans sa conception des symptômes névrotiques : c’est l’angoisse de castration qui est à l’origine du refoulement, et non l’inverse. L’angoisse de castration est le moteur du déploiement du complexe d’Oedipe, ou pour le dire autrement, du procès en subjectivation de l’être parlant. L’angoisse de castration est le prototype même de toute angoisse, c’est une angoisse originaire, constitutive, qui s’éprouve dès le traumatisme de la naissance, et en cela, elle est aussi angoisse de séparation.

C’est donc cette angoisse qu’illustre la phobie, qu’elle présentifie, ou qu’elle met en scène, elle en est le symptôme central. C’est pourquoi la phobie ne constitue pas une névrose en terme nosographique, en tant qu’entité clinique : c’est un accident de parcours, qui court-circuite le refoulement. Dans l’hystérie ou l’obsession, le refoulé induit par l’angoisse fait retour dans le corps ou dans la pensée. Alors qu’avec le mécanisme phobique, l’angoisse, non refoulée, va se fixer, se condenser, directement, sur un élément de l’environnement immédiat, familier, habituel, situation, objet ou être vivant que l’on appelle l’objet phobique. Avec la phobie, l’angoisse n’est pas sans objet, c’est d’ailleurs ce qui en fait son économie, sa facilité, pour ne pas dire son universalisme. Pas sans objet dans le sens aussi, que l’objet phobique vient lui souligner le pas sans, c’est-à-dire la place du manque : le mécanisme phobique consiste à tenter de masquer, de boucher ou de borner l’angoisse de castration fondamentale du sujet parlant.

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