LES TOXICOMANES SONT MAL BARRES

Journées de l’Association Freudienne Internationale, Toxicomanies : Les psychanalystes et la méthode chimique, PARIS, 25/26 Janvier 1997.

« Le Prisonnier »

            Vous connaissez sans doute ce feuilleton télévisé des années 70/80, dont les épisodes débutent invariablement par une intoxication faite au héros, agent secret démissionnaire.

            Cet espion se réveille dans une sorte de village virtuel où, à l’image de ses habitants qui s’interpellent par leur numéro, tout est mis en œuvre pour devancer les désirs et ordonner en toute convivialité la vie quotidienne.

            Il n’y a plus à se préoccuper de quoi que ce soit, et notre agent secret est sommé de faire taire ses doutes et ses interrogations, mais aussi de livrer les renseignements qu’il détient, car ce paradis a un prix, celui d’un savoir qui lui serait propre.

            La vigilante surveillance de « L’Organisation » est là pour répondre à tout et à tous selon leurs souhaits, puisque, de ce village, de toutes les façons, il n’y a pas moyen d’y échapper.

            C’est la série-culte, « Le Prisonnier », dont le village de Portmeirion a été reconstitué au Pays de Galles, sous la houlette de l’acteur Patrick McGoohan, qui ne s’est jamais remis de ce rôle.

            Eh bien, la drogue c’est comme ça, la drogue agit à peu prés de cette façon: c’est en tout cas ce que m’ont appris les toxicomanes que je rencontre. L’injection faite, le sujet à la toxicomanie évolue dans un monde parallèle, un monde virtuel d’où est exclue toute inhibition, toute crainte, toute interrogation.

            La drogue, c’est le silence des organes, et avant tout, le silence de l’organe psychique.

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METS TA DONNE

Troisième Congrès de la Fondation Européenne pour la Psychanalyse, Lien social et dé-liaison sociale, Bruxelles, 9/10/11 novembre 1996.

Je suis toujours étonné de rencontrer si peu de marginaux, ceux de mes lectures sans doute, car la plupart demeurent, ou restent fixés, si j’ose dire,  à un âge avancé chez papa et maman, chez maman surtout; beaucoup travaillent, certains étudient, font du sport, de la musique, fricotent avec un petit copain ou une petite amie, bref, arrivent à maintenir comme cela pendant longtemps une apparence de conformité sociale.

             Alors, dans le même temps, les colonnes des journaux s’emplissent de faits délictueux qui leur sont reprochés, des cités et des quartiers entiers survivent de l’économie parallèle générée par la drogue, et fait troublant, les toxicomanes ont ce rare privilège avec une certaine perversion dont il est beaucoup question dans ce pays ces jours-ci, de renforcer la cohésion sociale à leur encontre.

            Bien sûr, quand ils viennent dans un centre de soins, le plus souvent c’est que cette espèce d’écran, ou plutôt de miroir qui reflète une certaine idée de la normalité ne tient plus, pour tout un tas de raisons, c’est qu’ils ne peuvent plus faire semblant, et je crois que la dépendance au toxique, au Sorgenbrecher, « briseur de soucis » comme disait Freud, la pharmacodépendance c’est ne plus avoir à faire avec le semblant.

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Interventions de J. Lacan aux journées de l’EFP

Extraits

Jacques Lacan (auteur de Ecrits, tome 1) - Babelio

12/10/1968, Strasbourg

Les types qui dépavaient en mai étaient eux aussi la vérité : c’est pour ça que depuis on n’écrit dessus que des choses exécrables.

Une psychothérapie est un tripotage réussi, au lieu que la psychanalyse, c’est une opération dans son essence vouée au ratage. Et c’est ça qui est sa réussite.

Mai 1971, Aix-en-Provence

Il n’y a de trauma qu’au titre du signifiant, dont le sujet se déroute vers un signifié « pervers ».

02/11/1973, Montpellier

Si on pose une question, c’est qu’on en a la réponse. On n’a jamais posé des questions si on n’avait pas déjà la réponse.

La science, il est manifeste qu’elle ne propose que par la voie – c’est sa méthode, c’est son histoire, c’est sa structure – que par la voie de boucher les trous. Elle y arrive, elle y arrive toujours, ça veut dire quand elle y arrive.

Ce que véhicule la télévision, c’est l’objet a pour tous.

L’inconscient travaille sans y penser, ni calculer, ni juger non plus, et pourtant le fruit est là : un savoir qu’il ne s’agit que de défricher, puisqu’il consiste uniquement dans le chiffrage.

Qu’est-ce qu’il y a de plus commode que d’avoir un auteur pour vous véhiculer un petit bout du chemin ? Il est certain que moi comme tout le monde, on se sert de moi comme d’un auteur-stop.

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J. LACAN : Psychanalyse et Médecine

16 février 1966, Collège de Médecine, Salpêtrière

Extraits choisis

Le médecin en prescrivant se prescrit lui-même (…) Le médecin dans son meilleur est aussi un philosophe.

Quand le malade est envoyé au médecin ou quand il l’aborde, ne dites pas qu’il en attend purement et simplement la guérison. Il met le médecin à l’épreuve de le sortir de sa condition de malade, ce qui est tout à fait différent, car ceci peut impliquer qu’il est tout à fait attaché à l’idée de la conserver. Il vient parfois nous demander de l’authentifier comme malade, dans bien d’autres cas il vient, de la façon la plus manifeste vous demander de le préserver de sa maladie, de la traiter de la façon qui lui convient à lui, celle qui lui permet de continuer d’être un malade bien installé dans sa maladie.

Un corps est quelque chose qui est fait pour jouir, jouir de soi-même.

La science est en train de déverser certains effets qui ne sont pas sans comporter quelques enjeux. Matérialisons-les sous la forme de quelques produits qui vont des tranquillisants aux hallucinogènes. Cela complique singulièrement le problème de ce qu’on a jusque-là qualifié d’une manière purement policière de toxicomanie. Pour peu qu’un jour nous soyons en possession d’un produit qui nous permette de recueillir des informations sur le monde extérieur, je vois mal comment une contention policière pourrait s’exercer.

Il y a un désir parce qu’il y a de l’inconscient, c’est-à-dire du langage qui échappe au sujet dans sa structure et ses effets, et qu’il y a toujours au niveau du langage quelque chose qui est au-delà de la conscience, et c’est là que peut se situer la fonction du désir.

Ce que j’appelle jouissance au sens où le corps s’éprouve, est toujours de l’ordre de la tension, du forçage, de la dépense, voire de l’exploit. Il y a incontestablement jouissance au niveau où commence d’apparaître la douleur.

Ce qui est inattendu, c’est que le sujet avoue lui-même sa vérité et qu’il l’avoue sans le savoir.

Si la santé devient l’objet d’une organisation mondiale, il s’agira de savoir dans quelle mesure elle est productive. Que pourra opposer le médecin aux impératifs qui le feraient l’employé de cette emprise universelle de la productivité ? Il n’y a d’autre terrain que ce rapport par lequel il est médecin, à savoir la demande du malade. C’est à l’intérieur de ce rapport ferme où se produisent tant de choses qu’est la révélation de cette dimension dans sa valeur originelle : le rapport à la jouissance du corps.

Le texte complet : http://aejcpp.free.fr/lacan/1966-02-16.htm

Sexe, Genre et Addiction

Editions l’Harmattan

La question que nous avons choisie d’aborder aujourd’hui est une question un peu particulière, dans le sens où c’est quelque chose que nous avons comme le nez au milieu de la figure tous les jours, lorsque l’on travaille en addictologie ; une question qu’habituellement nous ne nous posons jamais. C’est-à-dire : pourquoi les usagers de substances psychoactives, alcool ou drogues, appartiennent pour près des trois quarts au sexe masculin ? Avec cette question subsidiaire, qui serait de nous interroger sur d’éventuelles spécificités de l’addiction au féminin, et de l’intérêt d’en tenir compte dans le dispositif de prévention, d’accueil et de soins en addictologie.

Nous pourrions penser comme cela en première approximation, qu’il existe un biais de recrutement, une difficulté particulière pour les femmes intoxiquées, à effectuer une démarche de soins. Par exemple, on a longtemps cantonné l’alcoolisme féminin à l’image de la femme solitaire, honteuse, s’adonnant en cachette à son vice.

Les études épidémiologiques décrivent une autre réalité, qui est que les trois quarts des décès attribués à l’alcool ou au tabac concernent la population masculine. L’épidémiologie retrouve avec une constance assez remarquable, quel que soit le pays ou la législation, le fait qu’il y ait trois fois plus de sujets de sexe masculin qui s’adonnent au tabac, à l’alcool, aux drogues illicites ou aux jeux compulsifs.

Seule la consommation de médicaments psychotropes concerne deux fois plus la gent féminine. Il paraîtrait que les médecins prescrivent bien plus facilement ces médicaments psychotropes aux femmes qu’aux hommes.

L’addiction apparaît donc sexuée. Il existe une relation étroite entre le sexe masculin et l’intoxication. Mais, qu’est-ce qu’exactement que le sexe ?

L’étymologie du mot sexe vient du latin « sexus », dont l’origine proviendrait du latin « secare » : couper, diviser.

Cette racine latine indique assez bien la séparation des sexes, ce qui constitue la caractéristique primordiale et indispensable de la reproduction sexuée.

C’est en tant qu’êtres sexués que nous sommes au monde. Le sexe est avec le patronyme le support essentiel de l’identité et même le premier trait identitaire dans la rencontre avec l’autre.

Freud écrit ainsi dans les « Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse » : « Masculin ou féminin est la première appréciation que vous faites quand vous rencontrez un autre être humain. »

Dans les « Trois essais sur la sexualité« , Freud déploie sa réflexion selon trois dimensions : la dimension biologique, la dimension sociologique et la dimension psychologique. C’est sur ce schéma que nous avons construit le programme de cette journée et sur ce schéma que je vais reprendre la suite de ma présentation.

En ce qui concerne la biologie, nous ne disposons que de données scientifiques assez parcellaires et à mon sens peu convaincantes.

Tous les auteurs reprennent la notion d’un liquide corporel moindre chez les sujets de sexe féminin, ce qui rendrait compte d’une métabolisation différente des substances psychoactives et d’une gravité plus importante des pathologies induites.

De façon plus intéressante, lors de la première Journée Nationale Suisse « Genre et addiction« , en 2006, le docteur Yvan Berlin indique que le devenir des toxiques exogènes chez la femme varie selon le cycle menstruel, lors de la grossesse ou après la ménopause. La différence majeure entre homme et femme, dit-il, est liée au milieu hormonal.

Il décrit, en outre, un effet de télescopage dans l’alcoolisme féminin, soit la conjonction de l’apparition d’une tendance à l’abus plus tardive et de l’apparition plus précoce des lésions d’organes.

D’un point de vue social, les modes de consommation apparaissent moins liés au sexe anatomique des individus qu’aux rôles sociaux qui modulent les rapports entre les hommes et les femmes.

L’usage des substances psychoactives apparaît en grande partie être un usage social, façonné par l’histoire, la culture, les rapports sociaux de sexes et la représentation qu’il véhiculent (« Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire« , de mars 2009).

C’est ce que nous appelons la notion de « genre », qui se développe dans les sciences humaines à partir des « Gender studies« , nées aux États-Unis dans les années 70.

Toujours dans une dimension culturelle et sociale, la consommation de substances psychoactives apparaît bien plus stigmatisée chez les femmes, alors que chez les hommes, la prise de risque et l’intoxication sont autant de signes de virilité.

Les études épidémiologiques font apparaître, outre, une surmédicalisation des femmes, des antécédents de traumatismes et d’abus sexuels, dans 25 % des cas et surtout chez la moitié d’entre elles, l’influence décisive du conjoint.

C’est tiré de l’enquête « Coquelicot« , une enquête épidémiologique qui s’est déroulée de 2004 à 2007. La conclusion : dans la dynamique du couple, le conjoint usager de drogue est le plus souvent le détenteur du produit, l’initiateur aux drogues et à l’injection.

L’assignation sociale des femmes semble effectivement ne pas faciliter leur accès aux soins en addictologie. Entre leurs prérogatives maternelles, leur double charge professionnelle et domestique, et leur fréquente dépendance affective ou financière au conjoint ; l’organisation habituelle de la prévention, de l’accueil et des soins en addictologie peut apparaître inadaptée.

Des structures spécifiques se sont développées en Angleterre et en Allemagne. Elles sont plus nombreuses dans les pays nordiques que dans les pays méditerranéens et inexistantes dans les pays de l’Est.

En France, la prise en compte d’une spécificité féminine de l’addiction reste encore récente et parcellaire.

La troisième et dernière piste de réflexion : la dimension psychologique ou plus précisément psychanalytique.

Il y a un siècle, Freud faisait scandale, à Vienne, en affirmant le rôle central de la sexualité dans l’inconscient, et ce, dès l’enfance. L’expérience psychanalytique permet le dévoilement du sens sexuel caché du symptôme.  Par ailleurs, pour Freud, la bisexualité est originelle chez l’enfant et ce n’est qu’à l’issue du processus œdipien que s’affirme l’assomption du sexe.

« L’anatomie, c’est le destin« , affirme-t-il dans « La disparition du complexe d’Œdipe« . Mais le fait que l’anatomie soit le destin est contesté par Lacan, notamment dans le séminaire « L’angoisse« . Lacan met l’accent sur le rôle fondamental du symbolique.

Chez l’être parlant, la vie sexuelle s’affranchit de l’instinct sexuel.  Lacan dit en 1964 : « Au regard de l’instance de la sexualité, tous les sujets sont à égalité depuis l’enfant jusqu’à l’adulte, ils n’ont affaire qu’à ce qui, de la sexualité, passe dans les réseaux de la constitution subjective, dans les réseaux du signifiant. Dès lors, pour la sexualité humaine, il n’y a pas de prédétermination anatomique, pas d’objet élu préétabli, pas de finalité reproductive. »

Pour la psychanalyse, la sexualité s’exprime au travers des pulsions partielles. Pulsions partielles qui sont autant de modalités relationnelles à un autre être parlant et désirant.        La vie libidinale de l’être humain est orientée et structurée par le symbolique, c’est-à-dire par les injonctions et les prescriptions parentales, culturelles, sociales.

Lacan élabore les formules de la sexuation dans son séminaire « Encore« , pour rendre compte de la répartition des sexes selon une logique signifiante, celle de la position du sujet vis-à-vis de l’instance phallique.

Du côté homme, il se pourrait qu’il puisse l’être, ce phallus. À l’image mythique du père de la horde primitive, décrit par Freud dans « Totem et tabou« .   Du côté femme, elle échappe à cette emprise du tout phallique et peut avoir accès à une jouissance Autre.

La clinique addictive rend souvent compte de la difficulté du sujet à assumer cette position sexuée, quelles qu’en soient les raisons.

En 1975, lors de la séance de clôture des Journées des Cartels de l’Ecole Freudienne de Paris, Lacan énonce : « Il n’y a aucune autre définition de la drogue que celle-ci, c’est ce qui permet de rompre le mariage avec le petit pipi. » « Petit pipi », c’est l’expression qu’employait le petit Hans, l’une des cinq grandes psychanalyses de Freud. Tout ce qui permet d’échapper à ce mariage avec le phallus est le bienvenu, d’où le succès de la drogue.

Pour conclure cette brève introduction à notre journée de travail, il semblerait bien que, contrairement à l’assertion de Freud, l’anatomie ne soit plus le destin.

Chez l’être parlant, la vie sexuelle est éminemment corrélée au symbolique, aux lois du langage, c’est-à-dire aussi bien au discours ambiant qu’aux contraintes sociales, culturelles et morales. Dans ce contexte, les sujets masculins présentent effectivement une difficulté particulière à assumer l’instance phallique.

Mais l’émergence et le développement des études de genre semblent indiquer un dépassement, chez l’être parlant, de la binarité masculin/féminin et un effacement de la référence phallique, effacement que l’on retrouve par ailleurs dans le déclin de la fonction paternelle.

Ce que confirment les études épidémiologiques menées auprès des jeunes générations, à lire dans le « Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire ».

La convergence des modèles de consommation masculin et féminin, chez les adolescents, témoigne des progrès de la mixité, tandis que la résistance des rites sociaux sexués à l’âge adulte va de pair avec la persistance des écarts.

En tout état de cause, la prise en compte récente, par la MILDT, de la problématique genrée de l’addiction apparaît souhaitable.

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Actualité du malaise : néolibéralisme et jouissance

Éditions Borromées

Distribution : L’Harmattan

Les temps ont bien changés depuis l’invention de la psychanalyse, pour autant demeure la souffrance psychique de l’être parlant. Le malaise dans la civilisation (Freud 1929-1930) reste d’actualité. D’autant plus que le néolibéralisme qui nous gouverne aujourd’hui fonde le lien social sur le discours capitaliste, ce cinquième discours théorisé par Lacan. Or ce discours capitaliste, c’est précisément le seul discours pour lequel l’accès à la jouissance n’est pas impossible.

Table des matières :

Jacques Lacan : lettre du 05/01/1980 aux membres de l’Ecole Freudienne de Paris

Je parle sans le moindre espoir – de me faire entendre notamment.

Je sais que je le fais – à y ajouter ce que cela comporte d’inconscient.

C’est là mon avantage sur l’homme qui pense et ne s’aperçoit pas que d’abord il parle. Avantage que je ne dois qu’à mon expérience.

Car dans l’intervalle de la parole qu’il méconnaît à ce qu’il croit faire pensée, l’homme se prend les pieds, ce qui ne l’encourage pas.

De sorte que l’homme pense débile, d’autant plus débile qu’il enrage… justement de se prendre les pieds.

Il y a un problème de l’école. Ce n’est pas une énigme. Aussi je m’y oriente, point trop tôt.

Ce problème se démontre tel, d’avoir une solution : c’est la dis – la dissolution.

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Jacques Lacan : lettre du 5/07/1969 au « Monde »

Veuillez, conformément à mon droit, publier en entier ces lignes.

Le Monde paru le jeudi 26 juin dans sa dernière édition change sa mise en page pour ajouter en caractère gras au compte rendu des incidente causés à l’École normale supérieure par l’interruption de mon cours les  » remarques  » de la direction de cette école.

Mes conférences sont, dit-elle,  » mondaines, incompréhensibles à quelqu’un de normalement constitué « , propos assez douteux pour faire rire, pas forcément à mes dépens.

Le jour même, sous le coup de réactions sur lesquelles lumière sera faite, M. Flacelière rétracte ces dires de la direction de l’école, dont je rappelle qu’en tant que directeur il est responsable. Il le fait d’un prétendu démenti, où il leur substitue une diffamation qualifiée à laquelle le Monde fait place le lendemain vendredi.

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Gérard Pommier : « Pour une psychanalyse politique »

Source : Fondation Européenne pour la Psychanalyse, juin 2024

 » Le Maître de la Cité meurt d’envie de détourner les fonds publics…
Faire souffrir veut dire fermer les hôpitaux, démantibuler les services
publics, la SNCF, les aéroports, etc. Et en plus, les réglementations
tatillonnes s’accumulent sur les détails : la vitesse des véhicules,
les fumeurs persécutés…les enfants mis en rang, testés, médicalisés,
taxés d’handicapés au nom du scientisme… le racisme s’appuie sur un
fond endogamique et incestueux, celui de rester dans sa famille identitaire…
idem pour la disparité des salaires entre hommes et femmes qui
correspondent à l’angoisse de castration des hommes…Un jour, des
millions de femmes, d’abord solitaires, se révoltent contre leurs conditions.
C’est une libération pour les hommes aussi, féminisés sans le
savoir. « 

Jacques Lacan : « L’acte psychanalytique »

« L’Acte psychanalytique » : Jacques Lacan surpris par Mai 68

Jacques-Alain Miller livre son édition du Livre XV du séminaire du psychanalyste, qui traite de la relation entre maître et disciple – à point pour les événements de mai 1968.

Par Elisabeth Roudinesco (Historienne et collaboratrice du « Monde des livres ») Publié le 12 février 2024

« L’Acte psychanalytique. Le séminaire, livre XV », de Jacques Lacan, édité par Jacques-Alain Miller, Seuil/Le Champ freudien, 320 p., 26 €.

Consacré à « l’acte psychanalytique », ce séminaire, délivré à l’Ecole normale supérieure entre novembre 1967 et juin 1968, occupe une place singulière dans l’œuvre orale de Jacques Lacan (1901-1981). Celui-ci affronte, cette année-là, une crise interne au sein de l’Ecole freudienne de Paris, qu’il a fondée en 1964. Il veut en effet introduire une nouvelle procédure de nomination des psychanalystes (la « passe »), peu appréciée de ses compagnons de route. Quant à la révolte ­étudiante, elle vient perturber son enseignement dès avril 1968.

La situation est d’autant plus paradoxale que Lacan expose devant son auditoire une réflexion sur la relation entre un maître et ses disciples alors même que, dans la rue, les insurgés contestent une autorité mandarinale dont il est un pur représentant. Aussi bien est-il confronté à une réalité qui le prend au dépourvu.

L’acte analytique tel qu’il le conçoit se définit comme un travail de l’inconscient au cours duquel un élève (analysant) peut devenir psychanalyste grâce à un analyste occupant la place d’un maître, appelé « sujet-supposé-savoir ». A la fin de la cure, celui-ci « s’évanouit » fantasmatiquement, tandis que l’analysant devient psychanalyste et doit assumer à son tour une transmission du savoir clinique et théorique.

Tout en citant élogieusement un article du philosophe et historien libéral Raymond Aron, son « ami », Lacan fait état, avec fierté, de sa rencontre avec Daniel Cohn-Bendit. Et il en profite pour réprimander ses disciples qui, au lieu d’aider les étudiants à « lancer des pavés », leur ­demandent ce qu’ils « attendent d’eux ».

Noms effacés

Il est regrettable que l’éditeur du texte, Jacques-Alain Miller, ait cru bon de supprimer deux séances de ce séminaire : celle du 31 janvier 1968, au cours de laquelle, en l’absence de Lacan, ses principaux disciples discutent du contenu de son enseignement, et celle, très courte, du 8 mai, où il se dit solidaire de l’ordre de grève lancé par le Syndicat national de l’enseignement supérieur. Ont disparu ainsi la plupart des interventions qui prouvent à quel point Lacan élaborait sa conceptualité dans une confrontation permanente avec ses partisans. En tout, les noms d’une vingtaine d’entre eux ont été effacés, dont ceux de Xavier Audouard, François Tosquelles, Félix Guattari, Jean Oury ou Jean Ayme.

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