Jean-Pierre Lebrun : « Le Burnout : une désaturation réelle »

Intervention à la 13ème journée de l’addictologie de Douai, le 29/09/2016

J’ai pensé que je ferais avec vous, si vous le permettez, le travail que j’ai fait dans ma tête de psychiatre et de psychanalyste lorsque j’ai été confronté pour la première fois à cette appellation de « burnout »

J’ai dit que je ferais avec vous, « le travail ». Cela veut dire que je me situe dans le registre d’un « travail » ; je n’ai pas dit qu’il s’agissait d’un « emploi ». Simplement parce que – il y a un petit livre que je vous conseille de Bernard Stiegler qui s’appelle « La fin du travail » – il n’est pas impossible que nous soyons en train d’assister, mine de rien, à ce que ce ne soit plus le travail qui soit le problème, mais justement à ce que ce travail soit aujourd’hui réduit à n’être plus qu’un emploi. Ce qui n’est pas du tout la même chose. Entre les deux, en passant du travail à l’emploi, vous avez gommé le travail de subjectivation, l’assomption par le sujet de cette part de lui-même que représente et que conditionne toujours son « travail ». Pour le dire simplement, le travail ce n’est donc pas qu’avoir un travail ; c’est « être » au travail. Et tant mieux si en plus, cela me donne de l’emploi. En revanche, avoir un emploi n’implique pas d’emblée d’être au travail. Cette précision peut déjà être utile pour nous aider à repérer les enjeux du burnout.

Ma première réaction quand j’ai eu affaire à ce terme de « burnout » a été de devoir faire face, voire même tout de suite de contredire les collègues psychanalystes qui, de cette nouvelle appellation – parce qu’elle date de 1985, quelque chose comme ça – c’est le cas de le dire, n’avaient nullement « cure ».

En fait, cette appellation, selon d’aucuns, daterait de 1969 ; Harold. B Bradley aurait été la première personne à désigner, dans son article « Community-based treatment for young adult offenders », un stress particulier lié au travail sous le terme de burnout. Ce terme est ensuite repris en 1974 par le psychanalyste Herbert J. Freudenberger puis par la psychologue Christina Maslach en 1976 dans leurs études des manifestations d’usure professionnelle.

Mais pour la majorité des psychanalystes, il n’y avait que la cure et ce mot de « burnout » n’était en somme qu’un mot de plus de cette novlangue qui était en train de s’emparer de nous sous l’égide du management. Il n’y avait donc pas de raison de céder à cela ; le burnout n’aurait désigné rien d’autre que la fatigue, l’épuisement … Ce n’aurait été nullement une pathologie nouvelle mais simplement une nouvelle nomination d’un symptôme par ailleurs connu depuis longtemps. Et il est vrai que de plus en plus de gens s’en prévalent, de ce burnout, comme pour légitimer, voire justifier un moment de fatigue ou d’évitement.

Quand vous savez que la dépression est souvent taxée de lâcheté morale, on peut aussi dire que, d’une certaine façon, il n’est pas impossible que faire appel au burnout pourrait pour certains venir légitimer qu’ils en ont simplement assez de leur fonctionnement.

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Jean Perin : « Une justice qui ne serait pas du semblant »      

Intervention à la 11ème journée de l’addictologie de Douai, le 27/09/2012

C’est un titre un peu en l’honneur de Marcel Czemak , lui qui nous avait fait un séminaire très intéressant  pendant toute une année je crois sur une psychiatrie qui ne serait pas du semblant . L’intérêt, ce n’est pas de faire un texte à l’imitation de Marcel , c’est simplement de faire un travail sur le droit, sur la justice avec ce concept de J. Lacan : le Semblant

C’est vrai que les juristes n’ont pas ce signifiant là cela dit ils n’ignorent rien, bien sûr, mais ils n’ont pas « le concept »et ça, c’est à mettre au crédit de la psychanalyse lacanienne. Tout de suite,simplement,comme cela, en batifolant un peu, d’une justice qui ne serait pas du semblant , ça voudrait dire que la justice c’est du semblant, et ça, on l’admet facilement. Alors une justice qui ne serait pas du semblant, en utilisant le mot semblant comme ça, en langage ordinaire, et bien qu’est ce que cela serait pour vous, vous seriez tout de suite capables de répondre, et bien cela serait une justice qui serait totalement injuste,il faut dire ce qui est , là on condamnerait à mort à tout va , ça évoque les procès de Moscou, tous ces juges qui ne motivent pas leurs décisions et ce qui se passe actuellement, sous l’apellation des « peines plancher ». Enfin les petits voyous de banlieue on va les mater et les juges ne pourront plus avoir la liberté de prononcer la peine.  Vous savez que les juges se sont révoltés parce que c’est leur attribution, la peine, entre un maximun et un minimun, et parfois le minimun c’est zéro parce que le juge estime qu’il n’y a pas à poursuivre. C’est cela qui tout de suite nous vient à l’idée.

Ensuite,qu’est ce qu’on va dire de la justice ? que le juge, que la justice, elle est rendue .Le juge rend la justice, alors un juriste extrêmement important, François Terré qui  a fait un article là-dessus disant, on rend la justice, le juge rend la justice, il l’avait donc volée. Donc la justice aurait été volée au peuple et il faut la lui rendre. Voyez que les juristes ne manquent pas d’humour. Qu’est ce qu’on peut dire encore si on veut creuser un petit peu cette notion en jetant un coup d’oeil du coté de Lacan en étant un peu au milieu, ce serait de dire au fond , le juge, il rend la justice, mais quand il prend une décision, il fait un acte, la décision de justice, c’est un acte au sens de Lacan qui a dit que le testament était un acte, il est un acte au moment du décès, car on peut toujours révoquer un testament; jusqu’à l’heure de la mort le testament peut être révoqué mais à l’ultime minute là, il est un acte. Déjà cela nous permet de comprendre un peu les choses, c’est un acte et quand cet acte est lu, très souvent, il mécontente tout le monde .C’est à dire que la justice est assez délicate et cependant, une fois que l’arrêt est rendu, c’est terminé. On dira que par rapport au semblant , ça fait vrai, on dira ça comme ça, je dirais pas que c’est vrai, c’est difficile de dire que le droit et la vérité soient en coïncidence, pas du tout. Donc, c’est un faire, un faire vrai. Et là encore notre vocabulaire des concepts psychanalytiques et notamment ceux du semblant viennent éclairer le droit et l’éclairer même très bien. Parce que  c’est vrai, bon, il n’y a plus de discussion, une fois que les appels sont terminés, car il y a toujours possibilité de faire appel d’une décision. Mais une fois qu’elle est rendue en dernier ressort, c’est fini. Voilà tout, tout le monde est d’accord et puis c’est tout.

       Voilà donc ce qu’il y avait à dire , en entrée en matière. Le semblant, Lacan en parle la première fois dans le séminaire L’Angoisse , il en parle jusqu’à la fin, jusqu’au séminaire L’insu que sait. Et il en parle à propos de l’importance de l’homme, c’est à dire le fait pour un homme de faire semblant d’être homme, de faire l’homme. C’est ça pour lui le semblant, le faire- l’homme pour lui correspond du côté féminin à la mascarade. Donc cet aspect sexuel du semblant est tout à fait intéressant . Et nous prendrons des exemples de délits sexuels . Et je vous parlerais tout à l’heure du harcèlement sexuel puisque vous savez que l’article 322-33 du code pénal vient d’être annulé par le Conseil constitutionnel et que Monsieur Hollande déjà s’emploie à rétablir la loi et à réécrire la loi.

 La justice , Lacan comme vous le savez en a parlé dans le Séminaire L’Envers de la psychanalyse mais là Lacan   vise la justice institutionnelle , il est à la Faculté de Droit où il a été admis à faire ses conférences. Voyez la différence . Un « gosse » a le sentiment de la justice quand il dit : c’est injuste , même un petit môme, tout de suite, il vise l’ordre phallique, tout de suite, c’est à dire qu’il est lésé de ce côté là , surtout un garçon. Donc, là c’est une justice qui est une justice intérieure, puisque les philosophes connaissent bien , comme Kant , mais là ce n’est pas la philosophie qui nous intéresse, c’est vraiment l’institution visée par Lacan, l’institution judiciaire. Ce texte est intéressant parce qu’on  peut se demander si c’est la justice qui précède la loi, le droit, puisqu’il assimile le droit, la loi, ou si c’est la loi qui serait avant la justice. Il y a là un problème intéressant. Il y a des anthropologues juristes qui ont pensé que le droit était né du juge.

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Sexe, Genre et Addiction

Editions l’Harmattan

La question que nous avons choisie d’aborder aujourd’hui est une question un peu particulière, dans le sens où c’est quelque chose que nous avons comme le nez au milieu de la figure tous les jours, lorsque l’on travaille en addictologie ; une question qu’habituellement nous ne nous posons jamais. C’est-à-dire : pourquoi les usagers de substances psychoactives, alcool ou drogues, appartiennent pour près des trois quarts au sexe masculin ? Avec cette question subsidiaire, qui serait de nous interroger sur d’éventuelles spécificités de l’addiction au féminin, et de l’intérêt d’en tenir compte dans le dispositif de prévention, d’accueil et de soins en addictologie.

Nous pourrions penser comme cela en première approximation, qu’il existe un biais de recrutement, une difficulté particulière pour les femmes intoxiquées, à effectuer une démarche de soins. Par exemple, on a longtemps cantonné l’alcoolisme féminin à l’image de la femme solitaire, honteuse, s’adonnant en cachette à son vice.

Les études épidémiologiques décrivent une autre réalité, qui est que les trois quarts des décès attribués à l’alcool ou au tabac concernent la population masculine. L’épidémiologie retrouve avec une constance assez remarquable, quel que soit le pays ou la législation, le fait qu’il y ait trois fois plus de sujets de sexe masculin qui s’adonnent au tabac, à l’alcool, aux drogues illicites ou aux jeux compulsifs.

Seule la consommation de médicaments psychotropes concerne deux fois plus la gent féminine. Il paraîtrait que les médecins prescrivent bien plus facilement ces médicaments psychotropes aux femmes qu’aux hommes.

L’addiction apparaît donc sexuée. Il existe une relation étroite entre le sexe masculin et l’intoxication. Mais, qu’est-ce qu’exactement que le sexe ?

L’étymologie du mot sexe vient du latin « sexus », dont l’origine proviendrait du latin « secare » : couper, diviser.

Cette racine latine indique assez bien la séparation des sexes, ce qui constitue la caractéristique primordiale et indispensable de la reproduction sexuée.

C’est en tant qu’êtres sexués que nous sommes au monde. Le sexe est avec le patronyme le support essentiel de l’identité et même le premier trait identitaire dans la rencontre avec l’autre.

Freud écrit ainsi dans les « Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse » : « Masculin ou féminin est la première appréciation que vous faites quand vous rencontrez un autre être humain. »

Dans les « Trois essais sur la sexualité« , Freud déploie sa réflexion selon trois dimensions : la dimension biologique, la dimension sociologique et la dimension psychologique. C’est sur ce schéma que nous avons construit le programme de cette journée et sur ce schéma que je vais reprendre la suite de ma présentation.

En ce qui concerne la biologie, nous ne disposons que de données scientifiques assez parcellaires et à mon sens peu convaincantes.

Tous les auteurs reprennent la notion d’un liquide corporel moindre chez les sujets de sexe féminin, ce qui rendrait compte d’une métabolisation différente des substances psychoactives et d’une gravité plus importante des pathologies induites.

De façon plus intéressante, lors de la première Journée Nationale Suisse « Genre et addiction« , en 2006, le docteur Yvan Berlin indique que le devenir des toxiques exogènes chez la femme varie selon le cycle menstruel, lors de la grossesse ou après la ménopause. La différence majeure entre homme et femme, dit-il, est liée au milieu hormonal.

Il décrit, en outre, un effet de télescopage dans l’alcoolisme féminin, soit la conjonction de l’apparition d’une tendance à l’abus plus tardive et de l’apparition plus précoce des lésions d’organes.

D’un point de vue social, les modes de consommation apparaissent moins liés au sexe anatomique des individus qu’aux rôles sociaux qui modulent les rapports entre les hommes et les femmes.

L’usage des substances psychoactives apparaît en grande partie être un usage social, façonné par l’histoire, la culture, les rapports sociaux de sexes et la représentation qu’il véhiculent (« Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire« , de mars 2009).

C’est ce que nous appelons la notion de « genre », qui se développe dans les sciences humaines à partir des « Gender studies« , nées aux États-Unis dans les années 70.

Toujours dans une dimension culturelle et sociale, la consommation de substances psychoactives apparaît bien plus stigmatisée chez les femmes, alors que chez les hommes, la prise de risque et l’intoxication sont autant de signes de virilité.

Les études épidémiologiques font apparaître, outre, une surmédicalisation des femmes, des antécédents de traumatismes et d’abus sexuels, dans 25 % des cas et surtout chez la moitié d’entre elles, l’influence décisive du conjoint.

C’est tiré de l’enquête « Coquelicot« , une enquête épidémiologique qui s’est déroulée de 2004 à 2007. La conclusion : dans la dynamique du couple, le conjoint usager de drogue est le plus souvent le détenteur du produit, l’initiateur aux drogues et à l’injection.

L’assignation sociale des femmes semble effectivement ne pas faciliter leur accès aux soins en addictologie. Entre leurs prérogatives maternelles, leur double charge professionnelle et domestique, et leur fréquente dépendance affective ou financière au conjoint ; l’organisation habituelle de la prévention, de l’accueil et des soins en addictologie peut apparaître inadaptée.

Des structures spécifiques se sont développées en Angleterre et en Allemagne. Elles sont plus nombreuses dans les pays nordiques que dans les pays méditerranéens et inexistantes dans les pays de l’Est.

En France, la prise en compte d’une spécificité féminine de l’addiction reste encore récente et parcellaire.

La troisième et dernière piste de réflexion : la dimension psychologique ou plus précisément psychanalytique.

Il y a un siècle, Freud faisait scandale, à Vienne, en affirmant le rôle central de la sexualité dans l’inconscient, et ce, dès l’enfance. L’expérience psychanalytique permet le dévoilement du sens sexuel caché du symptôme.  Par ailleurs, pour Freud, la bisexualité est originelle chez l’enfant et ce n’est qu’à l’issue du processus œdipien que s’affirme l’assomption du sexe.

« L’anatomie, c’est le destin« , affirme-t-il dans « La disparition du complexe d’Œdipe« . Mais le fait que l’anatomie soit le destin est contesté par Lacan, notamment dans le séminaire « L’angoisse« . Lacan met l’accent sur le rôle fondamental du symbolique.

Chez l’être parlant, la vie sexuelle s’affranchit de l’instinct sexuel.  Lacan dit en 1964 : « Au regard de l’instance de la sexualité, tous les sujets sont à égalité depuis l’enfant jusqu’à l’adulte, ils n’ont affaire qu’à ce qui, de la sexualité, passe dans les réseaux de la constitution subjective, dans les réseaux du signifiant. Dès lors, pour la sexualité humaine, il n’y a pas de prédétermination anatomique, pas d’objet élu préétabli, pas de finalité reproductive. »

Pour la psychanalyse, la sexualité s’exprime au travers des pulsions partielles. Pulsions partielles qui sont autant de modalités relationnelles à un autre être parlant et désirant.        La vie libidinale de l’être humain est orientée et structurée par le symbolique, c’est-à-dire par les injonctions et les prescriptions parentales, culturelles, sociales.

Lacan élabore les formules de la sexuation dans son séminaire « Encore« , pour rendre compte de la répartition des sexes selon une logique signifiante, celle de la position du sujet vis-à-vis de l’instance phallique.

Du côté homme, il se pourrait qu’il puisse l’être, ce phallus. À l’image mythique du père de la horde primitive, décrit par Freud dans « Totem et tabou« .   Du côté femme, elle échappe à cette emprise du tout phallique et peut avoir accès à une jouissance Autre.

La clinique addictive rend souvent compte de la difficulté du sujet à assumer cette position sexuée, quelles qu’en soient les raisons.

En 1975, lors de la séance de clôture des Journées des Cartels de l’Ecole Freudienne de Paris, Lacan énonce : « Il n’y a aucune autre définition de la drogue que celle-ci, c’est ce qui permet de rompre le mariage avec le petit pipi. » « Petit pipi », c’est l’expression qu’employait le petit Hans, l’une des cinq grandes psychanalyses de Freud. Tout ce qui permet d’échapper à ce mariage avec le phallus est le bienvenu, d’où le succès de la drogue.

Pour conclure cette brève introduction à notre journée de travail, il semblerait bien que, contrairement à l’assertion de Freud, l’anatomie ne soit plus le destin.

Chez l’être parlant, la vie sexuelle est éminemment corrélée au symbolique, aux lois du langage, c’est-à-dire aussi bien au discours ambiant qu’aux contraintes sociales, culturelles et morales. Dans ce contexte, les sujets masculins présentent effectivement une difficulté particulière à assumer l’instance phallique.

Mais l’émergence et le développement des études de genre semblent indiquer un dépassement, chez l’être parlant, de la binarité masculin/féminin et un effacement de la référence phallique, effacement que l’on retrouve par ailleurs dans le déclin de la fonction paternelle.

Ce que confirment les études épidémiologiques menées auprès des jeunes générations, à lire dans le « Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire ».

La convergence des modèles de consommation masculin et féminin, chez les adolescents, témoigne des progrès de la mixité, tandis que la résistance des rites sociaux sexués à l’âge adulte va de pair avec la persistance des écarts.

En tout état de cause, la prise en compte récente, par la MILDT, de la problématique genrée de l’addiction apparaît souhaitable.

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Actualité du malaise : néolibéralisme et jouissance

Éditions Borromées

Distribution : L’Harmattan

Les temps ont bien changés depuis l’invention de la psychanalyse, pour autant demeure la souffrance psychique de l’être parlant. Le malaise dans la civilisation (Freud 1929-1930) reste d’actualité. D’autant plus que le néolibéralisme qui nous gouverne aujourd’hui fonde le lien social sur le discours capitaliste, ce cinquième discours théorisé par Lacan. Or ce discours capitaliste, c’est précisément le seul discours pour lequel l’accès à la jouissance n’est pas impossible.

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Lacan, l’exposition

Quand l’art rencontre la psychanalyse

La pensée de Jacques Lacan est avec celles de Roland Barthes, Michel Foucault, Jacques Derrida et Gilles Deleuze, essentielle pour comprendre notre contemporanéité. Or, si des hommages et des expositions ont déjà considéré la plupart de ces figures intellectuelles, la pensée de Lacan reste à ce jour, sur le plan muséal, inexplorée, alors que ce dernier a entretenu une relation très forte avec les œuvres d’art.

Exposition 31 déc. 2023→27 mai 2024

Centre Pompidou-Metz

Commissariat

Marie-Laure Bernadac et Bernard Marcadé, historiens de l‘art, associés à Gérard Wajcman et Paz Corona, psychanalystes

Plus d’info : https://www.centrepompidou-metz.fr/fr/programmation/exposition/lacan-lexposition

Pierre Delion: « Oury, donc »

Michel Lecarpentier, Pierre Delion, Oury, donc, Toulouse, Eres, 2022

Ce livre est dédié par Pierre Delion à tous les soignants professionnels œuvrant en psychiatrie. Un écrit revigorant dans l’occasionnelle conjoncture politique d’aujourd’hui qui est le livre d’une rencontre et d’une reconnaissance : rencontre déterminante de Jean Oury et reconnaissance pour un transfert de travail qui a nourri les élaborations personnelles de l’auteur.

C’est aussi le livre de la décision de transmettre aux jeunes générations les bases fructueuses mises en mouvement dès 1976 pour le jeune interne qu’était alors Pierre Delion avec tous ses copains et qui constituèrent la Bande à Basile pour animer le mouvement de psychothérapie institutionnelle à l’Hôpital de Sainte Gemmes-sur-Loire. Cette bande devint la cheville ouvrière du Groupe de Brignac, à l’initiative de Jean Colmin qui avait participé à quelques groupes du GTPSI et qui eut l’idée de solliciter Oury pour soutenir la création et le travail d’élaboration d’un groupe de praticiens de la psychiatrie de divers statuts exerçant en Bretagne et dans le Centre-Ouest de la France.

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Consommation de psychotropes chez les 6-17 ans : un nouveau rapport jugé « trop alarmiste »

Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge a alerté, lundi, sur l’augmentation des prescriptions aux enfants et aux adolescents d’antidépresseurs et d’antipsychotiques notamment. Plusieurs pédopsychiatres s’offusquent d’une « diabolisation » des médicaments.

« Des dizaines de milliers d’enfants sous psychotropes », voilà l’un des points soulevés par un rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) – un organisme consultatif auprès du premier ministre. Intitulé « Quand les enfants vont mal, comment les aider », le rapport, paru lundi 13 mars, alertait sur la hausse de la consommation de psychotropes (médicaments utilisés pour soigner les troubles psychiques) chez les enfants et les adolescents. Un document qui a soulevé de nombreuses critiques de pédopsychiatres.

Selon le HCFEA, le besoin de soins augmente mais l’offre thérapeutique diminue, ce qui « favoriserait, par défaut, le soin par le médicament aux dépens des pyschothérapies ».Entre 2014 et 2021, la consommation de psychotropes chez les 6-17 ans aurait augmenté de 48,5 % pour les antipsychotiques, 62,6 % pour les antidépresseurs, 78 % pour les psychostimulants, 155,5 % pour les hypnotiques et sédatifs, selon le rapport, qui se base sur les données concernant la prescription.

OIivier Bonnot, pédopsychiatre au CHU de Nantes et secrétaire général du Collège national des universitaires de psychiatrie, dénonce un rapport « alarmiste »,ainsi qu’une « diabolisation des médicaments et une stigmatisation pour les jeunes qui en prennent ».

Sylviane Giampino, psychologue et présidente du conseil de l’enfance et de l’adolescence du HCFEA, assure, elle, que le rapport n’était pas à charge mais s’interrogeait sur « le déséquilibre entre les différents types d’aides ». « La consommationaugmenterait donc deux fois plus vite chez l’enfant que chez l’adulte »,souligne Mme Giampino, qui s’inquiète d’une prise de psychotropes « qui pourrait toucher 5 % de la population pédiatrique ». Une« donnée hypothétique » à mettre en perspective, « la prévalence des troubles mentaux chez les enfants étant autour de 20 % », nuance Diane Purper-Ouakil, pédopsychiatre au CHU de Montpellier.

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Olivier Douville / Psychanalyse: Chronologie des années troubles (1933-1939)

Pour informer les esprits raisonnables

1933 
Allemagne : Le 30 janvier, Adolphe Hitler est élu chancelier du Reich.
Février : Incendie du Reichstag à Berlin. M. Eitingon et S. Freud maintiennent l’existence de l’Institut psychanalytique de Berlin. Edith Jackson, membre de la DPG (Deutsche Psychoanalytische Gesellschaft), entre en résistance. Le 7 avril 1933 : Promulgation de la loi sur les ordonnances d’aryanisation des comités d’organisation nationale. Le 22, les médecins non-aryens sont exclus des caisses d’assurance maladie, la psychanalyse est attaquée comme « science juive ».

Le 6 mai, dans le fil des consignes d’aryanisation, F. Boehm et C. Müller-Braunschweig — par ailleurs « analyste didacticien » du fils de M. Göring, Ernst — proposent une aryanisation de la présidence de la DPG — ce dernier se donnera pour tâche de rendre conforme l’idéologie de l’institution au régime national-socialiste. La majorité des membres refuse cette modification (huit contres, cinq abstentions, deux pour).

Le 10 mai, les livres de S. Freud sont brûlés par les nazis, avec ceux de beaucoup d’autres auteurs, dont S. Zweig, B. Brecht et M. Hirschfeld. On entend proférer : « Contre la surestimation dégradante de la vie pulsionnelle ! Pour la noblesse de l’âme humaine, j’offre aux flammes les écrits d’un Sigmund Freud ! ». Le 18 novembre, Boehm et Müller-Braunschweig prennent la présidence de la DPG.

Le 22 mai : Mort de S. Ferenczi à Budapest. Freud répond à la lettre de condoléances de Jones : « Oui nous avons toutes les raisons de nous faire des condoléances. Notre perte est grande et douloureuse. Elle fait partie d’un changement qui renverse tout ce qui existe pour faire place à ce qui est nouveau. Ferenczi emporte avec lui une partie du passé (…) avec ma mort s’instaureront d’autre temps qu’il vous sera donné de connaître. Destin. Résignation. C’est tout. »

Le 28 mai Freud écrit à Oskar Pfsiter, « Notre horizon est très assombri par les événements d’Allemagne. Trois des membres de ma famille… sont à la recherche d’un nouveau foyer et n’en ont pas encore trouvé. La Suisse ne fait pas partie des pays d’accueil. Je n’ai guère sujet de changer mon jugement en ce qui concerne la nature humaine, spécialement l’aryano-chrétienne ».

Freud écrit le 10 juin : « L’Allemagne est la pire cellule de la gigantesque prison qu’est devenu le monde […] Ils ont commencé en prenant le bolchevisme pour leur mortel ennemi, mais ils finiront comme eux — à ceci près que, malgré tout, le bolchevisme a adopté des idéaux révolutionnaires alors que ceux de l’hitlérisme sont purement médiévaux et réactionnaires. »

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